We need to talk

Je suis sous le choc d’avoir vu Asher il y a quelques minutes se battre avec son cousin Jonathan – qui est mon petit-ami depuis plusieurs années. En effet, depuis que j’ai fait la connaissance d’Ash, je n’imagine pas celui-ci autrement que comme un garçon doux et adorable. C’est bien simple si j’avais été célibataire j’aurais jeté mon dévolu sur lui, car jamais je n’ai eu la chance d’être en couple avec un homme aussi bon que lui. J’aurais donc vraiment kiffé le rencontrer plus tôt, avant Jon… Même si je cache mon mal-être à autrui, je ne suis pas heureuse avec mon copain. Pour cause, je le soupçonne depuis un certain temps de m’être infidèle. Cependant, malgré mes gros doutes, je n’ai aucune preuve pour étayer ma théorie. De plus, craignant la solitude et ayant peur de l’abandon, je n'arrive pas à me résoudre à quitter mister Evans. Surtout que dans le fond, je l’aime bien que je n’apprécie pas toujours son comportement envers moi. Je n’en ai peut-être pas l’air à première vue, mais je suis une fille fleur bleue. Il ne faut pas s’arrêter à mon look particulier qui pourrait pousser à croire tout et n’importe quoi à mon sujet. Eh oui, il vaut mieux creuser pour découvrir la personne que je suis.

Après un baiser dans le but d'enlever l’envie à la blonde de service de mettre le grappin sur mon compagnon, je les laisse en compagnie de Dylan tandis que je file à l’étage. J’ai la ferme intention d’avoir une discussion avec mon ami, car je ne comprends toujours pas ce qui a pu lui passer par la tête. Pourquoi s’en était-il pris de la sorte à son cousin ? L’alcool a dû le pousser à attaquer Jon, mais j’ai cette sensation qu’il doit y avoir autre chose, bien que je ne sache pas quoi. C’est pour cela qu’il faut que je m’entretienne avec le plus jeune des Evans.

Je souffle un grand coup en arrivant devant la porte de la chambre d’Asher. Je rassemble mon courage et toque afin d’annoncer ma présence. « Entrez ! » Dit une voix féminine qui est celle de Maxine. Je ne connais pas beaucoup miss Blackwood, mais toutes les deux nous avons un bon feeling depuis le début du séjour. Pas hyper à l’aise, j’ouvre et passe ma tête dans l’entrebâillement pour jeter un œil à l’intérieur de la pièce. J’y vois Max en train de soigner notre ami. « Je peux ? » Demandé-je au binôme. L’infirmière me fait signe d’entrer alors je m’exécute tout en refermant derrière moi. « Ça va ? » Voulé-je savoir en m’adressant plus particulièrement au blessé. En attendant sa réponse, je m’avance lentement vers eux, craignant de me faire envoyer bouler, ce qui me ferait encore plus mal au cœur à l’heure actuelle. En effet, je n’aime pas constater l’état dans lequel est l’informaticien. « Tu veux que j’te remplace Max ? » Proposé-je puisque je préférerais être seule avec le brun afin qu’on puisse se parler sans être dérangés par quiconque.

Je n’ai point conscience de tout ce qu’Asher ressent à mon égard. Pourtant, si j’avais été au courant, j’aurais compris que c’était à cause de ça qu’il s’était battu avec son cousin. Mais il faut croire que je suis aveugle, ce qui n’est guère étonnant puisque, concernant les sentiments des autres, j’ai toujours eu le chic d’être naïve. Du moins, surtout quand ça a un rapport avec moi. Je devrais vraiment ouvrir les yeux mieux que ça, mais bon c’est comme ça.

J’aurais pu rester auprès de mon petit copain, mais, j’avais décidé de faire l'inverse, ou plutôt c’est mon cœur qui m’avait poussée – bien que je ne le réalise pas – à aller rejoindre Ash pour le confronter et essayer de comprendre ce qui avait pu lui passer par la tête il y a quelques minutes. Ça ne plairait peut-être pas à celui-ci et encore moins à Jon, mais tant pis pour une fois j’ai envie d’être égoïste et de penser à moi et non à ce qu'autrui désire.

Tandis que j’avais débarqué dans la chambre du brun et demandé comment il allait, je ne peux m’empêcher de grimacer à sa réponse. Mais peu importe, je n’allais pas me démonter à cause de sa mauvaise humeur plus que flagrante. « Ben vois-tu, il te manque le masque, le tuba et la bouée pour ça… » Dis-je sur le ton de l’humour. Quoi ? Il faut bien que j’essaie de détendre un peu l’atmosphère et de faire redescendre les tensions. Je prends mon mal en patience pendant que mon amie termine sa tâche. Je propose tout de même de la relayer, mais Maxine m’explique qu’elle a fini. « OK, j’vais le surveiller. » Réponds-je avant de rire à cause de ce que me sort la brunette. « Tu ne vois pas l’auréole au-dessus de ma tête ? » Dis-je en affichant un air angélique qui est loin de me ressembler. Je ne suis pas un démon non plus, mais il y a nettement plus sage que moi. Comme le garçon ici présent par exemple, sauf aujourd’hui, j’ai l’impression de ne pas le reconnaître… « À toute Max ! » Lancé-je en mimant le salut militaire. Malgré mes bêtises, depuis quelques minutes, je ne suis dans le fond pas aussi joviale que ce qui peut paraître. Pour cause, je m’inquiète pour l’informaticien et je ressens qu’il est en colère. Contre moi ? Pourquoi ? Juste parce qu’on avait été bruyants avec Jonathan ? En tout cas, le regard assassin que me lance actuellement mister Evans ne m’aide pas à me sentir mieux, mais tant pis je me prends le culot de venir m’asseoir près de lui sur le lit. « Au lieu de me tuer avec tes yeux revolvers, tu ne veux pas me dire ce qui te met autant en pétard ? » Lâché-je sans sourciller, laissant croire que je suis pleine d’assurance alors que c’est loin d’être le cas. « Tu sembles me haïr comme jamais, qu’est-ce que je t’ai fait Ash ? C’est pas toi de picoler à ce point et de vriller… » Indiqué-je, essayant de le faire parler, attendant qu’il se livre, se confie à moi. Certes, on ne se connaît que depuis quelques mois, mais j’apprécie beaucoup ce garçon qui s’est frayé un chemin jusqu’à mon cœur et y a une place en or. De ce fait, je ne souhaite pas qu’il reste si distant avec moi ou qu’il mette fin à notre amitié parce que mon copain et moi nous n’avons pas été assez discrets.

Apparemment mon humour et mon sens de la répartie légendaires ne suffiront pas cette fois à dérider le jeune Evans. Voilà qu’il me snobe carrément ! Jamais auparavant il ne m’avait traitée de la sorte. Je tiens à savoir ce qui se trame dans sa jolie petite tête. D’ailleurs, l’air ronchon sur son visage ne me dit rien qui vaille. Comment vais-je donc faire pour arriver ne serait-ce qu’à faire en sorte qu’il cesse de m’ignorer ? Sans doute qu’il faudrait que j’essaie de ruser ou alors que je continue à le soûler avec mes âneries jusqu’à le pousser à réagir à force de l’user.

C’est ce que je compte mettre en application désormais que je suis seule avec lui. Du moins, si ma première tentative pour qu'il s'ouvre à moi ne fonctionne pas. Et malheureusement, c’est ce qui se passe. La réponse d’Ash ne me satisfait pas du tout. Pas parce qu’il critique mon petit ami, même si ça ne me fait pas particulièrement plaisir qu’il l’insulte de la sorte, mais il m’arrive moi aussi assez fréquemment, de penser que Jonathan est un connard, sauf que celui-ci parvient à chaque fois à me faire flancher d’une façon ou d’une autre. « Tu m’as pas habituée à ça, Ash. Enfin, j’veux dire que depuis le début, on a toujours bien parlé, toi et moi. On a eu ce feeling dès notre rencontre. » Du moins, de mon côté c’est comme ça que j’avais ressenti les choses, peut-être que ce n’était pas similaire pour le jeune Evans. Voir mon interlocuteur me tourner le dos, me déchire le cœur. Je soupire alors, restant à ma place pour le moment. « T’as bu juste parce qu’on est pas chez nous ? Allez, Asher, dis-moi ce qu’il en est vraiment ! » Je passe possiblement pour une fille écervelée ou que sais-je encore, mais contrairement à ce qu’on peut croire, je suis loin d’être bête.

N'en pouvant plus de la situation, je fais le tour du lit, me couche à ses côtés et attrape ses mains tout en le fixant droit dans les yeux. « Stop Asher Evans ! Déjà d’une, pour mon plaisir, fais-moi risette. Ensuite, on est amis, non ? Je peux tout entendre… » J'insiste bien afin qu’il comprenne qu’il n’a pas à avoir peur de quoi que ce soit. Je lâche un de ses poignets pour effleurer son front du bout de mes doigts. « Qu’est-ce qu’il y a là-dedans pour que ça ait surchauffé ? » Demandé-je en venant cette fois poser ma main libre tendrement sur la sienne. « Je t’ai jamais vu dans cet état Ash, explique-moi par pitié. Parce que j’aime pas te voir comme ça. » Oh ça non, je préfère nettement lorsqu’il a le sourire aux lèvres. Alors que je me perds clairement dans la contemplation de cette bouille d’ange et plus particulièrement dans les grands yeux tristes de mon ami, la porte de sa chambre s’ouvre brusquement, me faisant sursauter. « C’est quoi, ce bordel ? Kenzi qu’est-ce que tu fous avec lui là ? » En reconnaissant la voix de Jonathan, je lâche immédiatement les mains de son cousin et me redresse. Cela n’eut pas l’air de plaire à mon copain qui se rapproche en gueulant. « Éloigne-toi de lui tout de suite ! » J’inspire un grand coup et regarde le garçon qui est à côté de moi. « Je m’occupe de lui. » Dis-je à voix basse en roulant des yeux. Aussitôt, craignant une nouvelle rixe, je me lève. « C’est pas le moment Jon. » Tenté-je de le calmer. « Pas le moment de ? Parce que tu te tapes mon cousin, c’est ça ? T’allais baiser avec si j’étais pas arrivé ? » J’ouvris en grand la bouche, le foudroyant du regard. « Jonathan, tu baisses d’un ton déjà ! J’suis pas ton clebs, tu me parles mieux que ça ! Et j’te trompe pas, arrête de t’faire des films ! » « T’es qu’une sale chienne en chaleur ! Fais c’que tu veux avec lui de toute façon je m’en branle ! J’te suis pas fidèle ! Depuis le début en plus j’me fous de ta gueule ! » OK, je commençais à avoir des doutes le concernant, mais franchement depuis tout ce temps il se jouait de moi ? Cela m’énerve encore plus. « Espèce d’enfoiré ! » M’emporté-je, prête à lui mettre une bonne baffe dans la figure. Sauf qu’au même moment déboulent les autres. Certainement qu’ils ont dû nous entendre crier. Kaleb passe ses bras autour de son ami et le tire en arrière. « Dehors ! Asher a besoin de calme ! » Gronde Maxine. Je lève les mains en l’air afin qu’elle se doute que c’est lui qui avait lancé les hostilités. Tous sortent, quant à moi sur les nerfs je claque la porte que je ferme à clé - pour plus de tranquillité - avant de m’asseoir contre sans dire un mot. Quelques instants après mon téléphone bipe, je l’attrape et y lis : « Si tu veux tout savoir, tu m’as servi de couverture. En fait, je suis gay, j’étais avec toi uniquement pour que personne ne le soupçonne ! » Je lui réponds aussitôt. « Va te faire foutre ! C’est terminé, tu m’entends ? FINI ! » Dégoûtée, écœurée, j’envoie valser mon portable plus loin, ne souhaitant plus rien voir.