"— Je suis vraiment désolé Mattéo. Si je peux vous aider en quoique ce soit...
Je lève ma main doucement, essayant de faire face suite à l'annonce que vient de me faire le doyen de mon université. Tout ça parce qu'un chauffard alcoolique est sorti de nulle part, mes parents ont eu un accident de voiture et sont mort tous les deux sur le coup ... Je tremble de colère et de tristesse à la fois en essayant de garder contenance comme je le peux. Je n'ai pourtant qu'une seule envie, celle de m'effondrer, de pleurer toutes les larmes que je sens grandir en moi depuis que l'homme en face de moi me l'a annoncé.
— Merci beaucoup Monsieur Lewis mais ça va aller ... je vais juste aller récupérer mon frère à son école, il doit savoir, dis-je en contrôlant le volume de ma voix.
— N'hésitez pas si vous avez besoin de quoique ce soit.
— J'y penserais, merci ...
Je sors de son bureau tandis que la cloche de fin de cours se met à raisonner à mes oreilles. Mon sac à dos sur le dos, je l'entends à peine et je marche vers la porte de sortie, tel un zombi alors que d'autres camarades se ruent dans les couloirs pour aller à leurs casiers, ou même se rendre à leurs autres cours. Ils ne se doutent pas un seul instant de ce qui peut se passer dans ma tête alors que leurs sourires et leurs rires que je vois ne veulent plus rien dire, comme si j'étais anesthésié. Leur journée n'est pas terminé mais pour moi, j'ai l'impression que tout est fini, que plus rien ne sera comme avant car c'est la triste réalité...
Ethan et moi nous nous retrouvons sans parents, orphelins.
*-*-*-*-*-*
— C'est pas possible ! Ça coûte aussi cher des obsèques ?
Je suis en train de regarder les factures tout en soupirant, que ce soit celle des obsèques ou autres, nos parents ne nous avaient pas laissé grand chose pour payer les factures entrant. A tel point que je ne savais pas comment nous allons nous en sortir Ethan et moi. Il est pratiquement minuit, tout le monde est parti et nous croulons sous la tonne de nourriture que les gens ont bien voulu nous déposer. Le seul avantage, c'est que nous ne mourrons pas de faim avec tout ça. Pas sur que nous ayons assez de place dans le congélateur mais je suis sur que Cartoon, notre chien, se fera un plaisir de manger ce que nous n'allons pas pouvoir finir.
Pour l'heure, je dois régler ces histoires de facture, même si la maison nous appartient, je suis maintenant maître des lieux et je dois tout prendre en charge et nous éviter qu'on nous mette à l'huissier. Malheureusement, ce n'est pas ma bourse qui va nous aider à payer tout ça quand je vois les prix exorbitant. Je note des chiffres sur une feuille, tentant de faire un calcul, fouillant dans ma tête les solutions qui pourraient nous permettre de nous en sortir.
— Qu'est-ce que tu fais ?
En entendant cette voix, je lève la tête et observe mon petit frère qui se trouve dans le salon et me regarde avec curiosité. Dans son pyjama Batman, il a fier allure et je souris, ce qui est devenu une habitude pour ne pas lui montrer à quel point je suis inquiet de la tournure que prennent les événements. Je finis par lui répondre.
— Je regarde un peu les papiers de papa et maman.
— Et c'est intéressant ?
— Disons que je me débrouille, tu ne devrais pas être au lit toi ?
Il se rapproche et s'assoit à côté de moi. Je pousse les papiers un peu plus loin pour l'observer, me doutant bien qu'il doit avoir besoin d'attention maintenant que nous ne sommes que tous les deux.
— Je n'arrive pas à dormir. La maison me parait si vide sans eux... m'avoue-t-il.
— A moi aussi... mais on est des Warriors tous les deux. On va s'en sortir, c'est ce que papa et maman voudraient.
— Surement, mais c'est dur.
Je le sens sur le point de pleurer, il est encore dans l'âge ou il a besoin de nos parents pour avancer et moi je ne sais pas vraiment comment réagir face à ça. D'habitude on se dispute tout le temps, il me vole mes affaires, on se crie dessus et chacun boude pendant plusieurs heures avant de se reparler comme si rien ne s'était passé. Mais là, tout est différent, on ne s'est pas pris la tête depuis que je suis venu le chercher à l'école. Ce jour là, il a tout de suite vu que quelque chose n'allait pas, car jamais je ne serais venu le chercher. Je ne l'avais encore jamais fait. Je pose une main sur son épaule et reprends.
— Tu n'as qu'à te dire qu'on est comme les frères Winchester. Nous ne combattrons pas les démons ou autres créatures étranges mais nous allons surmonter ça ensemble, toi et moi, unis face au monde entier.
Je vois un sourire, assez léger, s'afficher sur le visage d'Ethan, ce dernier me regarde et je passe sa main dans ses cheveux tandis qu'il râle. Je ris doucement.
— Tu as besoin que je te prépare quelque chose ?
— Non, ça ira, je vais tenter de retourner me coucher. Tu devrais en faire autant, s'inquiète-t-il pour moi.
— Je ne vais pas tarder Ethan, ne t'en fais pas pour moi.
Je lui fais un clin d’œil puis il se lève et tapote sa jambe pour appeler Cartoon, ce dernier sort de son panier pour suivre Ethan à l'étage. Habituellement nos parents ne voulaient pas que le chien aille dans nos chambres mais je sais que mon frère en a besoin alors je laisse faire. Je pose un nouveau regard sur cette paperasse de factures en tout genre et soupire. D'après tous les calculs que j'ai fait, nous ne pourrions pas payer les obsèques, ni entretenir la maison si je ne trouve pas un travail à plein temps. Nous n'avions pas de famille à L.A ou même ailleurs, du moins pas que je sache, alors nous ne pourrions compter que sur nous même. Il est hors de question qu'on touche à la maison de nos parents. Je trouverais une solution, quoiqu'il en coûte. Quoi que je doive faire.
*-*-*-*-*-*
— Laissez-moi juste quelques semaines de plus ! Je vous apporterais l'argent qui manque.
Je sais que c'est très risqué ce que je demande. Quand on fait affaire avec ce genre de personne, il faut vraiment s'attendre à s'en recevoir plein la tronche. Jusque là je n'avais jamais manqué à ma parole, j'avais toujours remboursé Anthony comme il fallait. Grâce à mon travail à la bibliothèque, j'arrive à mettre de côté pas mal d'argent, et à lui rembourser la somme qu'il me demandait chaque mois. Malheureusement, Ethan était tombé lors d'un cours de sport et a eu le poignet cassé. Les frais d’hôpitaux et les médicaments m'ont coûté plus cher que ce qui était prévu à la base. Etant son tuteur légal, j'ai du agir en urgence pour qu'il soit pris en charge et j'ai du piocher dans les économies que je gardais pour rembourser le prêt que j'avais fait auprès d'Anthony.
— Tu sais bien que je ne tolère aucun retard Mattéo, me confirme le chef de sa voix grave.
Anthony est assis à son bureau et me regarde. Je n'aime pas parler aux gens en général donc me retrouver ici, entouré de lui qui ne dégage pas une aura bienveillante et accompagné de ces deux gorilles, cela ne donne pas forcément envie de rester une minute de plus ici.
— Je le sais et jusque là j'ai toujours payé en temps et en heure. J'ai juste dû payer les frais médicaux de mon petit frère ! Vous pouvez forcément faire un écart, juste pour une fois s'il vous plait !
— Si j'accepte, qu'est-ce que tu crois qu'il va se passer ? Tout le monde va venir me demander des délais et dans ma maison, ce n'est pas possible,même si tes intentions sont bonnes. Je ne pourrais plus aider les autres, tu comprends ?
Je reste silencieux, il n'attend pas de réponse de ma part de toute façon, ça se voit à sa tête qu'il ne délogera pas à la règle. Nerveusement, je commence à frotter ma main contre mon pantalon, tentant de me calmer car la situation commence à échapper à mon contrôle.
— Tu as une semaine Mattéo ! Finit-il par dire.
— Pardon ? Mais je ne pourrais pas obtenir l'argent à temps ! Le délai est trop court !
— Tu es garçon intelligent, tu trouveras bien. Une semaine, pas une heure de plus.
*-*-*-*-*-*
— Tu en fais une drôle de tête dis moi.
Je tourne la tête et regarde Ethan qui a décidé de descendre pendant que je buvais un café tout en lisant un livre, affalé sur le canapé. Il avait l'air en forme, malgré son plâtre à son bras droit.
— Ce n'est pas ma tête de tous les jours ?
— Pas du tout ! Là tu manques carrément de soleil ! Tu sais ce qui nous ferait du bien ? Ce serait de partir au soleil. Le Spring Break est bientôt, on devrait tout claqué pour une semaine et aller autre part.
— On a pas d'argent Ethan, comment tu veux qu'on aille se faire dorer la pilule au soleil ?
Ethan ne sait tellement rien de ce que je dois faire au quotidien, qu'il prend les choses toujours à la légère, et ça malgré ses 19 ans. Mais c'est ma faute, je ne lui dis jamais rien concernant les dépenses de la maison et s'il savait dans quel pétrin nous sommes parce qu'il a le bras cassé, il se flagellerait en permanence. Je préfère ne rien dire.
— Tu vois, tu es à cran ! Tu devrais te reposer, penser à toi un peu, me dit-il avec douceur.
— Mais je vais bien, regarde, je me bois un café en lisant un bon livre.
Il pose un regard sur ma couverture et je le vois hausser un sourcil, oui je sais bien que ce n'est pas l'un de ses sujets favoris du moment.
— Les procédures judiciaires ? C'est d'un ennui ! Viens au moins en boite alors ! Tu as besoin de rencontrer des filles !
— Moi ? Je me porte très bien sans copine figure toi !
—Oh allez ! On dirait que tu as un balai dans les fesses depuis que tu as rompu avec Stacy il y a 5 ans. Tu ne t'es retrouvé avec personne, il faudrait peut être pensé à ton avenir un peu, finit par me sortir mon frère qui commence à me prendre la tête.
— Primo c'est Stacy qui m'a largué pour sortir avec un athlète de haut niveau parce que je ne faisais pas le poids. Elle a préféré une cacahuète en guise de cerveau, tant bien lui fasse mais si je ne veux pas me trouver de petite amie, c'est mon droit. Je préférais rester vieux et entouré d'une belle et grande bibliothèque ou je raconterais des superbes histoires à mes chers neveux et nièce.
Ethan roule des yeux, je le sens exaspérer de mes réponses rapides. Non c'est non, j'ai d'autres choses à régler, je n'ai pas le temps de penser à mon avenir.
— Fais comme tu veux mais le vent tourne frangin, me sort-il avant de quitter la pièce pour aller en cuisine.
Il a raison, le vent tourne et je sens que ma semaine va passer très vite alors que je n'ai toujours pas trouvé de quoi payer la totalité à Anthony."
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Sujet: Matteo Cooper - Tout malin jongle avec le silence et les paroles 
Mar 24 Mar - 22:25
